Culture
La culture au Bénin : Vodoun et art
C’est à-travers l’art que le vodoun s’exprime le mieux. Son expression emprunte toutes formes et types d’art comme par exemple la danse, la peinture ou encore la sculpture. Le vodoun en tant qu’entité transcendantale ne s’exprime dans la vie que par des expressions artistiques.
Afin d’illustrer nos propos, nous pouvons citer Jacques Kerchache, le célèbre collectionneur français spécialisé dans les arts premiers : « Picasso n’a jamais pu connaître l’art du vaudou, et pourtant, les affinités sont surprenantes entre ses œuvres et celles de ces artistes engagés qui provoquent, tant sur le plan esthétique que magique. Les artistes contemporains qui ont pu l’approcher, ont été évidemment subjugués par la qualité des questions qui y sont posées. Il y a à la fois, dans l’art du vaudou, une alliance constante entre l’esthétique et le sacré, la parfaite réalisation d’une sorte d’idéogramme en trois dimensions poussé à son paroxysme, un art du détournement où tout est signifiant, un geste d’une étonnante modernité et d’une grande inventivité, des risques plastiques, et aussi un impact de l’humour sur le plan esthétique. »[1] .
Au temps du royaume du Danxomè, l’artisanat d’art, quelque peu désacralisé aujourd’hui, jouait déjà un rôle primordial dans la prospérité du royaume. Les métiers d’arts royaux les plus importants et qui existent encore à ce jour sont : la forge, la tenture, la sculpture sur bois, la vannerie, la poterie. Ces arts étaient des moyens d’expression du vodoun, en particulier la sculpture sur bois, qui était faite traditionnellement dans un bois particulier.
La sculpture sur bois est un art traditionnel transmis de génération en génération, et réservé à une famille bien particulière de chaque royaume. Les sculpteurs sur bois sont respectés car ils « donnent vie » au moyen d’expression du vodoun. C’est le cas par exemple du masque traditionnel Gèlèdè[2] d’origine yoruba. Eloi Lokossou, célèbre sculpteur béninois, fabrique des masques Gèlèdè selon la tradition transmise de père en fils. Il est installé dans son village natal de Covè à proximité de Kétou, jadis prestigieux royaume Yoruba et important centre de culte et de sculpture Gèlèdè. « Gardien des techniques anciennes, de l’esthétique traditionnelle, des représentations mythiques, (oiseaux, serpents, caméléons, couteaux), Eloi Lokossou symbolise aussi l’évolution créatrice des sculpteurs Gèlèdè dont il est aujourd’hui le chef de file» . En effet, le maître de l’école de sculpture de Covè « ne se contente pas seulement de répondre à des commandes de masques traditionnels destinés à la danse, il créé des œuvres originales et signées. On trouve aujourd’hui les œuvres d’Eloi Lokossou dans les grandes collections d’art africain et contemporain »[3].
Le vodoun a inspiré bon nombre d’artistes contemporains béninois. Nous pouvons citer par exemple Cyprien Tokoudagba (1939-2012), premier peintre connu pour avoir su mixer l’art ancestral vodoun aux techniques de l’art moderne. En effet, il commença par des sculptures puis se tourna vers les murs de couvents vodoun, pour enfin transférer ces œuvres murales sur des toiles. Ce thème étant inépuisable, il produit de nombreuses œuvres explorant les symboles royaux et historiques.
[1] Extrait du catalogue Vaudou, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2011
[2] Le masque Gèlèdè est porté sur la tête par le danseur Gèlèdè. Il est constitué de deux parties. La partie inférieure représente un visage de femme calme sous une forme conventionnelle. La partie supérieure, au contraire très vivante et complexe, est liée à la créativité de l’artiste
[3] «Femmes, bâtisseurs d’Afrique», Musée de la civilisation Québec, Ed.Bibliothèque nationale de Québec Canada, 2000 – «Yoruba», par Josette Rivallan et Félix Iroko Collectif sous la direction de lisette Ferrera., Ed. Hazan, 2000, – «Anthologies de l’Art africain du XXème siècle», N’Goné Fal et Jean Louis Pivin, Ed. Revue noire, Paris 2001.
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