Dossiers L’Ecole Normale William Ponty : pépinière d’élite
L’enseignement occidental a commencé à se diffuser en Afrique noire dès la première moitié du XIXème siècle. Il fut tout d’abord l’œuvre des « Pères Blancs », missionnaires catholiques. Dès son arrivée au Sénégal en 1854, Faidherbe fut convaincu de l’importance stratégique de l’enseignement de la langue française. La vocation assimilatrice de la France coloniale aboutit ainsi quelques années plus tard à la création d’une école chargée de former l’élite africaine : l’École Normale William Ponty.
Mission : former les cadres coloniaux
Établissement prestigieux de l’Afrique coloniale créé en 1903, ce qui fut d’abord appelé Ecole Normale Fédérale ne devint École Normale William Ponty qu’en 1915. Elle doit son nom à William Amédée Merlaud-Ponty, gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française de 1903 à sa mort en 1915.
Initialement située à Saint-Louis, l’école eut pour objectif premier la formation des interprètes nécessaires à l’entreprise coloniale. La création de la section des instituteurs en 1907 entraîna un accroissement des effectifs. Les locaux devenant restreints, l’école fut transférée à Gorée en 1913 et placée sous la tutelle du Gouvernement Général de l’AOF. Accessible sur concours, seuls les meilleurs élèves de chaque colonie pouvaient s’y présenter. A la section des instituteurs s’ajoutèrent celle des agents de l’administration et du commerce ainsi que le cycle préparatoire à l’Ecole de Médecine de Dakar. En 1937, l’école est transférée à Sébikhotane, non loin de Rufisque.
William Ponty, un creuset d’excellence
Presque toute l’intelligentsia de l’époque y fit ses armes ; entre autres Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keita, Mamadou Dia, Bernard Dadié, Hamani Diori, sans oublier les béninois Hubert Maga et Emile Derlin Zinsou. Comme on peut facilement le constater, bon nombre des pères des indépendances africaines y furent de passage. D’après les archives de l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire (IFAN), William Ponty accueillit jusqu’à 2000 élèves.
Auditoire de l’École normale William Ponty | Crédit Photo : Judith Quax
Dans l’imaginaire collectif des africains, l’Ecole William Ponty fut associée à l’excellence et à une certaine idée de progrès social. En effet, en sortir diplômé garantissait une place dans l’administration coloniale. Si elle est acclamée par les uns, elle n’en fut pas moins décriée par d’autres, surtout à l’aube des indépendances. L’anticolonialisme qui était en vogue voyait en l’Ecole William Ponty un instrument de la métropole visant aussi un asservissement intellectuel et idéologique. Par ailleurs, la fierté de certains anciens Pontins (nom donné aux élèves) laissa place à la déception. En effet, leurs diplômes n’étaient pas reconnus par la métropole et ceux n’ayant pas les moyens de poursuivre leurs études en France devaient se contenter d’être des commis dans l’administration.
Après les indépendances
Suite à la vague des indépendances et face à la multiplication des Ecoles Normales dans les ex-colonies, William Ponty perd progressivement son prestigieux statut. En 1965, une partie des locaux est transformée en maison d’arrêt.
Crédit Photo : fratmat.info
Aujourd’hui, malgré que le site de l’école soit reconnu comme patrimoine classé, il est à l’abandon. Les seuls bâtiments encore debout sont l’amphithéâtre, le réfectoire et l’infirmerie mais ils sont dans un état de délabrement avancé. Lors de la campagne électorale de 2012, Abdoulaye Wade (lui-même ancien Pontin) a promis la reconstruction du site mais il perdit les élections. Néanmoins une partie des locaux fut rénovée grâce au soutien d’ONG et d’associations.
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