Histoire

[ Cameroun ] Le roi NJOYA : l’incarnation du génie royal

Le roi Njoya est le 17e roi de la dynastie Bamoun et reste l’un des rois, qui a valablement contribué à l’épanouissement de son peuple. Après les figures de Nchare Yen, fondateurs de la dynastie Bamoun et Mbouombouo mandou le grand roi conquérant, Njoya est celui qui va se faire démarquer durant son règne par son intelligence et son ingéniosité remarquable.

Njoya, un guide hors pair

Né en 1876, Njoya fut roi entre 1889 et 1933. Son règne est influencé par les rivalités entre peuples riverains et l’arrivée des colons sur le territoire Bamoun. Il a donc la charge de guider son peuple face aux différentes influences culturelles qui leur tournent autour. D’une part l’entrée de l’islam avec les commerçants et guerriers peuls qui l’aident dans ces batailles et d’autre part  l’entrée du christianisme et de la culture occidentale avec les missionnaires Allemands. Face à cette réalité et à sa volonté de faciliter au maximum le bien-être de son peuple, ce roi en fonction des besoins du peuple décide de faire des réformes au sein de son royaume afin que son peuple soit prêt à affronter les nouvelles réalités ; ceci en respectant les fondements de sa tradition.

Njoya, (C) 237online

Celui que l’on considère comme l’inventeur de civilisation, a à son actif plusieurs inventions et réalisations. De l’invention d’une langue et d’une écriture, il est celui qui adapte les structures sociales du peuple, apporte des réformes sur le plan juridique avec la création d’un code civil bamoun, créer un centre d’état civil pour enregistrer les naissances, créer des écoles et des centres artisanaux, organise la médecine traditionnelle, invente la machine à écraser le maïs pour son peuple et produit la première cartographie du territoire bamoun.

Le shu-mom : la nouvelle langue du peuple

Désireux d’avoir une langue commune pour tout un peuple métissé qui s’exprimait avec des langues des autres qu’ils avaient autres fois combattues et asservies (les Mben) le roi décida de créer une langue propre et unique à tous. Langue qu’il nomma Shu-Mom. Cette langue va être matérialisée par une écriture appelée « a ka u ku ». L’écriture du roi est composée au départ de 510 signes chacune renvoyant, à une expression. Elle va ensuite évoluer à 70 caractères afin d’être facilement assimilable et garder l’ouverture à d’autres expressions auxquelles va faire face le peuple avec les nouvelles rencontres culturelles.

Le syllabaire Bamoun, (C) cas1.elis.ugent.be

Le roi créa cette écriture en opposition à l’arabe et aux langues occidentales qui ne permettait pas de bien transcrire le parler bamoun. A travers cette écriture, le roi va transcrire la tradition orale ; ceci dans le but de conserver les traces écrites de sa culture et  permettre que celle-ci perdure dans le temps. Il est reconnu comme l’un des premiers auteurs camerounais et africains avec la production de  plusieurs ouvrages parmi lesquels « histoire et coutume des bamouns ». Son entreprise culturelle à travers sa langue est toutefois persécutée par l’administration coloniale française qui voit en cela une barrière à leur implantation. C’est ainsi que l’écriture va être saisie, l’homme arrêté et exilé de son royaume, les 44 écoles qu’il avait créé seront fermées. Après sa mort l’enseignement de sa langue et de l’écriture va revenir de façon clandestine et aujourd’hui encore cela est enseigné dans une école au sein du palais des rois bamouns.

Le roi démocrate

Conscient du fait qu’une civilisation repose à la fois sur l’éducation, les croyances et le maintien de l’ordre social, le roi Njoya va au-delà de l’enseignement de son écriture comme outil linguistique ; il véhicule également cela en intégrant les éléments de tradition et construit toute  une idéologie. Sur le plan de la justice, il rédige un Code civil et des lois sur le plan pénal pour son peuple afin de garantir une stabilité et la justice. Cette loi qui se fait respecter par des institutions qu’il avait mises en place et dont il s’assurait que cela soit respecté.

(C) Alchetron

Dans un environnement influencé par la foi ancestrale, l’islam et le christianisme, le roi Njoya est à la fois converti au christianisme et à l’islam tout en laissant libre choix à son peuple de suivre sa foi. Il est important de noter que les différentes adhésions de celui-ci à chacune des croyances sont motivées par le désir d’apprendre  afin de puiser des ressources essentielles de ces croyances qu’il devait ensuite implémenter pour le bien de son peuple.

Création de l’âme d’un peuple : l’art chez les bamouns

Le roi Njoya est celui à qui revient le privilège de la transformation d’un peuple en un peuple de sculpteurs. Il est celui qui inculqua cet art à son peuple ; car lui-même en était un bon artiste. Il a appris et a rependu l’artisanat à partir du bronze fondu dans la communauté, et construit un palais singulier et particulier d’un architecte qualifié.

Le palais du Sultan, (C) Culture Ebène

Le département du Noun jusqu’à aujourd’hui est réputé par son talent de sculpteur et d’architecte qui s’est démarqué au fil des années. Cela peut être perçu par la forme artistique du palais qui n’est que la rénovation de celui qu’avait construit le roi génie. Nous pouvons également faire référence à la splendeur du musée royal construit en 2017 en forme de serpent à deux têtes avec une araignée au-dessus (symbole et mythe du peuple).

Le roi Njoya, roi au génie, à l’intelligence et à la volonté d’innover est l’auteur d’une grande série de créations. Celui que l’on peut considérer comme le roi qui a su garder la paix, l’intégrité et la grandeur de son peuple face aux influences extérieures, Njoya est le roi de la civilisation moderne Bamoun.

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