
À travers le monde, certaines traditions frappent par leur singularité et leur force symbolique. Ainsi, les plaques labiales – disques ornementaux insérés dans la lèvre – captivent par leur originalité. Présentes surtout en Afrique de l’Est et en Amazonie, elles suscitent à la fois admiration et débats.
Origines et répartition géographique
La tradition des plaques labiales remonte à plusieurs siècles. En effet, elle est attestée notamment :
- Chez les Mursi et Surma d’Éthiopie et du Soudan du Sud ;
- Chez certaines populations amérindiennes d’Amazonie, comme les Kayapo du Brésil ;
- En Amérique du Nord et dans certaines régions d’Afrique centrale, où elle existait historiquement.
En Afrique, les artisanes confectionnent généralement les plaques en argile cuite ou en bois poli. La jeune femme ou un membre de sa famille la façonne et choisit sa taille, qui reflète souvent le prestige ou l’âge.
Signification culturelle
Chez les Mursi, le port de la plaque marque l’entrée dans l’âge adulte. Vers quinze ou seize ans, la jeune fille se fait percer la lèvre inférieure, puis progressivement elle l’étire pour accueillir des disques de plus en plus grands atteignant parfois jusqu’à vingt (20) centimètres. La plaque labiale est donc bien plus qu’un simple ornement et peut avoir plusieurs significations :
- Beauté : plus la plaque est grande, plus la femme est perçue comme belle et valorisée.
- Statut social : certaines familles l’érigent en signe de prestige.
- Identité culturelle : elle différencie clairement les membres de la communauté des autres groupes voisins.
Ces plaques font, par ailleurs, partie intégrante de l’identité : une femme sans plaque peut être confondue avec un membre d’un autre groupe ethnique comme les Bodi ou Kwegu . Selon les anthropologues, la plaque représente un pont entre le soi biologique et le soi social. De plus, certaines sources suggèrent aussi qu’autrefois, la pratique aurait eu une fonction de protection contre la traite esclavagiste, en rendant les femmes « moins désirables » aux yeux des trafiquants. Mais cette hypothèse reste discutée.
Perceptions extérieures et controverses
Aux yeux du monde extérieur, les plaques labiales ont souvent été perçues comme « extrêmes » ou « étranges ». Or, cette vision ethno-centrée a parfois occulté la dimension identitaire et esthétique que leur attribuent les communautés concernées.
Aujourd’hui, plusieurs facteurs remettent cette tradition en question :
- L’influence de la modernité, de la mondialisation et de l’éducation scolaire.
- Les difficultés pratiques liées à l’alimentation et à la vie quotidienne.
- Les pressions externes (tourisme, religion). En effet , le gouvernement éthiopien a parfois qualifié la pratique d’« incivilisée », intensifiant les pressions pour l’abandonner.
Certaines jeunes femmes choisissent, par conséquent, de ne plus pratiquer l’élargissement des lèvres, tandis que d’autres le perpétuent pour préserver l’héritage culturel.
Une tradition qui attire les objectifs
Le tourisme et les reportages photo ont, en effet, contribué à populariser l’image des femmes Mursi aux plaques impressionnantes, suscitant fascination et polémiques. Toutefois, si ces images participent à la reconnaissance mondiale d’un patrimoine culturel, elles soulèvent aussi la question du respect et du consentement dans la représentation de ces traditions.
Entre préservation et évolution
Comme beaucoup de pratiques culturelles, la tradition des plaques labiales oscille aujourd’hui entre préservation et adaptation. D’une part, certains, la considèrent comme un symbole de beauté et de fierté culturelle ; d’autre part, elle est perçue par d’autres comme un vestige du passé qu’il faut laisser s’éteindre.
Finalement, l’histoire tranchera, mais une chose est sûre : la plaque labiale fait partie des expressions humaines les plus uniques et reconnaissables au monde, celle d’un corps transformé en langage, où identité et beauté se confondent.
Sources :
- Anthropology Today (2004) – “Lip-Plates and ’the People Who Take Photographs’”: traité des tensions entre tradition Mursi et tourisme (JSTOR / DOI)
- LaTosky, S. – « Reflections on the lip-plates of Mursi women as a source of stigma and self-esteem » PDF consultable en ligne
- Turton, D. – “Lip-plates… uneasy encounters…” (PDF disponible via Mursi Online) Lire le PDF
- Pitt Rivers Museum / University of Oxford – sur le sens culturel des plaques (pont entre soi biologique et soi social) Voir la page
- Article Wikipedia – Lip plate : large historique, extinctions, matériaux, considérations de santé, pressions gouvernementales Page Wikipedia
- Wikipedia – Mursi people : informations sur les rites de passage, l’âge du perçage, la présence touristique Page Wikipedia
- Wikipedia – Surma people : données sur scarifications et plaques labiales chez les Suri (Surma) Page Wikipedia `
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