Histoire

[ Bénin ] Tassi Hangbé, la reine mère des amazones du Danxome

« Agoodjié ! » C’est ainsi qu’on désignait localement les célèbres guerrières du royaume du Danxomè, connues beaucoup plus sous le nom « amazones ». Ce corps militaire exclusivement féminin a été fondé par la reine Tassi Hangbé, qui l’intégra aux armées professionnelles de l’ancien royaume situé dans l’actuel Bénin. Par cette initiative, Tassi Hangbè a non seulement mis en lumière la bravoure des femmes, mais elle reste aussi une figure emblématique de l’histoire du royaume.

 

Tassi Hangbé, la reine rossignol

Sœur jumelle du roi Akaba, Tassi Hangbé, un peu oubliée par l’histoire, est la 5ème reine de la dynastie royale d’Abomey. Littéralement le nom hangbé signifie “la voix de la chanson” en langue fon d’Abomey. Depuis son enfance, celle qui n’était encore qu’une princesse du royaume avait pour passion la musique et chantait remarquablement bien. Avec ses belles chansons, elle égayait chaque soir les réunions entre son père et ses frères. L’histoire révèle même que les soirs où elle était absente, le roi et ses frères envoyaient des serviteurs l’appeler car ne pouvant se passer des douces mélodies de la princesse à qui le sobriquet ” hangbé ” fut donné. Cette appellation deviendra plus tard son nom officiel dans tout le royaume.

 

La gouvernance de la reine Hangbé

En 1708, alors que le roi Akaba meurt des suites d’une courte maladie pendant la guerre, sa sœur Tassi Hangbé — présente à ses côtés — décide de de garder le secret de sa mort pour ne pas démoraliser les troupes. Déguisée en son frère, elle prend le commandement de l’armée et mène les combats jusqu’à la victoire finale à Lissèzoun, où elle vainc le royaume de Wémè.

À son retour à Abomey, le fils d’Akaba étant encore trop jeune pour régner, c’est Hangbé qui prend les rênes du royaume du Danxomè. Bien qu’aucune cérémonie officielle n’ait eu lieu, elle portait tous les symboles du pouvoir royal : les sandales sacrées (saloubata), le grand pagne décoré (avotita), la récade (mankpo). Reconnue et respectée comme souveraine, elle était toujours accompagnée du siège et du parasol royal.

Elle recevait de tous le respect dû à son rang mais les réalités phallocratiques du royaume n’ont pas tardé à la rattraper. Le règne d’une femme dérangeait dans un contexte fortement dominé par les hommes. Au palais comme dans le reste du royaume, certains hommes manifestaient ouvertement leur indignation à l’idée de laisser une femme sur le trône de Houégbadja. Subissant complots et tensions familiales, qui lui coûtent notamment l’annulation de son mariage et la perte de deux fils, Hangbè finit par céder le pouvoir à son frère Dossou, intronisé en 1711 sous le nom d’Agadja.

Malgré son règne très court, Tassi Hangbé reste une figure majeure de l’histoire du Danxomè. Proche de son peuple, attachée à la religion et aux arts, elle a surtout marqué son époque en mettant en valeur le rôle des femmes, notamment par la création du corps des Amazones, un héritage restructuré et renforcé par la suite plus tard par le roi Ghézo.

 

Le combat féministe de la mère des amazones

Selon Damien Mariano Agliti, guide à l’Office de tourisme de la région d’Abomey, « Tassi Hangbé a pris cette initiative pour donner une véritable place aux femmes au sein du royaume ». Son influence ne s’est pas arrêtée à ses quatre années de règne. Même après avoir quitté le trône, Nan Hangbé est restée une haute dignitaire respectée, intervenant activement dans les affaires du royaume — notamment lorsqu’elle s’opposa à son frère qui refusa de retourner le pouvoir au fils d’Akaba une fois celui-ci en âge de régner.

Elle a aussi joué un rôle clé dans la reconnaissance des femmes dignitaires, appelées Tassi, facilement identifiables grâce à leurs pagnes souvent posés sur la tête. Aujourd’hui encore, à Abomey, une femme perpétue la tradition de la reine guerrière : elle occupe le trône de Tassi Hangbé, dirige les cultes annuels et veille sur les affaires de la collectivité Hangbé.

 

 

Sources :

  • HOUKPON Bonaventure : Tassi Hangbé, la reine oubliée (Blog)
  • LEGACY ~ Nadia Beugré : Héroïnes oubliées d’Afrique et de la diaspora noire (pdf)
  • Reine Tassi Hangbé dans le royaume de Danxomè: Une avant-gardiste de la gent féminine (Quotidien Le Matinal)
  • Hangbé, reine oubliée (Fiche de film documentaire)
  • EcceAfrica : Chroniques d’un royaume à l’histoire mal racontée (Article)

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