Les rites sexuels en Afrique, entre tradition et abomination

L’Afrique est un continent riche en cultures, et pratiques traditionnelles, toutes à son honneur. Cependant, force est de constater que la perversité humaine a également pris le dessus sur quelques-unes dans le lot. Parmi ces dernières figurent la « purification sexuelle », ou encore « Nettoyage sexuel » dont certaines régions du Kenya, de la Zambie, du Malawi, de l’Ouganda, de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud, du Mozambique, du Ghana, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, du Congo et du Nigéria…, sont encore témoins. De quoi s’agit-il, et en quoi consiste ces rites sexuels ?

Si une initiation à la vie sexuelle bien encadrée peut représenter en elle-même une excellente éducation permettant à l’adolescent d’acquérir les bases essentielles pour une vie sexuelle responsable, malheureusement dans certaines régions du continent noir, celle-ci n’a pas tardé à laisser place à de pratiques ignobles dans le cercle traditionnel. Ce qui aurait pu faire la fierté de diverses cultures africaines, est aujourd’hui marque de non respect de la dignité humaine et source de malheur pour plusieurs jeunes femmes, sans compter le rite de nettoyage/purification qui les attend également dans le cercle conjugal si par malheur leur époux venait à mourir avant elles. Pourtant, les défenseurs de ces divers rites sexuels ne cessent de faire l’éloge de leurs supposées vertus.

Les fonctions octroyées aux rites sexuels

Si d’ignobles rites de nettoyage sexuel continuent d’être pratiqués dans certains comtés de l’Afrique, c’est bien pour les fonctions que l’opinion communautaire a bien voulu leur reconnaître au fil des années. D’après les gardiens de ces pratiques, on en distingue principalement deux à savoir : l’initiation à la vie sexuelle, et la purification.

Initiation sexuelle

Dès l’apparition des premières menstrues chez la jeune femme, ses parents l’envoient dans un camp de vacances où des matrones la préparent à la vie en couple pendant deux semaines. Ces femmes âgées, leur enseignent plusieurs techniques telles que la fellation, pour satisfaire sexuellement leurs futurs maris. Pour parachever cette formation, les parents des jeunes filles sollicitent les services d’une « hyène » (« Fisi » en langue Chichewa), c’est-à-dire un homme payé pour avoir des rapports sexuels non consentis et non protégés avec les filles initiées. Les jeunes femmes soumises à cette pratique sont généralement âgées de 12 à 17 ans. Cette dernière étape dure 3 jours et l’homme qui peut être soit un inconnu ou un futur mari est payé à chaque reprise pour les services rendus. Au Malawi, on parle de « Kusasa fumbi » (enlever la poussière : perdre sa virginité afin de devenir une femme). « Kusasa fumbi », une pratique au Malawi pour enlever la poussière, retirer à la jeune fille sa virginité afin qu’elle devienne une femme.

Purification sexuelle

Au Kenya, la tradition de la tribu Luo impose aux veuves d’offrir leurs corps à un « shemeji » ou beau-frère dans un délai de 40 jours après la mort du mari afin de briser les liens qui l’attachent à l’esprit du défunt. La mort étant considérée comme une souillure, les rites du veuvage, lesquels existent dans plusieurs cultures du continent, purifient la veuve et la réhabilitent auprès de ses proches. La prégnance d’une telle tradition a donné vie aux « Joter », les purificateurs professionnels, des hommes qui proposent des services de purification en échange d’une rémunération. Après avoir été « purifiée », la femme peut être prise comme épouse par le frère ou tout autre proche de son défunt mari. De telles pratiques sont présentes également en Afrique de l’Ouest, dans des pays tels que le Bénin… Au Nigéria, dans la culture Igbo, il est ancré dans l’opinion générale que tout homme qui entretient des rapports sexuels avec une femme n’ayant pas encore été purifiée peut être foudroyé par la mort. D’après une croyance populaire Igbo, entretenir une relation sexuelle avec une veuve non purifiée est susceptible de conséquences désastreuses dont la mort.

Pour les personnes attachées à cette tradition, la réalisation de ce rite apporte protection à la veuve, à ses enfants et à l’ensemble du village. Dans la tribu Luo, les femmes qui osent s’opposer à la réalisation de cet exorcisme sont maudites, considérées comme responsables de la mort de leur mari, et s’attirent les foudres de leur belle-famille, laquelle peut décider de récupérer les biens de leur défunt fils. C’est ainsi que de nombreuses veuves se retrouvent dans la misère. Au Kenya, plusieurs ONGs se sont engagées à apporter leur soutien à ces veuves. C’est par exemple le cas de l’ONG Tanzania Women Lawyers Association (TAWLA) qui propose une assistance légale à ces femmes, empêchant ainsi la belle-famille d’arracher l’héritage du mari décédé.

Les limites et effets néfastes des rites d’initiation ou de purification sexuelle

On peut principalement retenir du récit de plusieurs jeunes filles et des purificateurs professionnels dans le Sud du Malawi, région dans laquelle ce phénomène a la peau dure, que dans les camps d’initiation sexuelle, les adolescentes ne reçoivent aucun enseignement sur la contraception ou les moyens de prévention des MST-IST. Les viols contractualisés sous couvert de la tradition sont la source de grossesses, de mariages précoces, et plus grave encore, de MST. Il a été constaté que les régions dans lesquelles ces pratiques existent ont une forte prévalence du VIH. Au Malawi où 10% de la population en est porteuse, le district de Nsanje est le plus touché. Les filles qui subissent ce rite sexuel sont condamnées à quitter tôt le monde scolaire, suite aux grossesses et aux mariages forcés auxquels elles se retrouvent exposés à la suite de ces viols initiatiques. Plusieurs jeunes filles en Afrique sont encore victimes d’une initiation sexuelle où tout leur est appris sauf les bases d’une sexualité responsable.

Des mesures de lutte contre les rites sexuels pour le respect de la dignité humaine

Ces différents rites sexuels ne laissent pas indifférents certains chefs traditionnels, ONGs locales et internationales qui mettent en œuvre des stratégies afin d’améliorer les droits des filles. Des organisations se rendent dans différents districts pour sensibiliser les populations sur les dangers liés à ce rite de passage. A Mulanje et Nsanje, l’ONG Girls Empowerment Network (GENET) traduit en langues locales les lois qui interdisent cette pratique. Il convient de préciser que 85% de la population malawite vit dans les zones rurales où les traditions sont encore très prégnantes.

En 2013, à la suite d’un reportage de la BBC sur Eric Aniva, un Fisi (condamné en 2016 à deux années de travaux forcés) qui affirmait avoir couché avec environ une centaine de filles et de femmes au nom de cette tradition, l’Etat à travers un décret sur l’égalité des genres, a pris des mesures interdisant cette ptratique. Plusieurs autres traditions locales du même genre sont également désormais interdites. Cependant, derrière la volonté politique d’abolir cette activité se cache la dure réalité : les populations continuent de s’adonner à la dévastatrice pratique du Kusasa Fumbi, laquelle dans leur imaginaire leur permet de se prémunir des malheurs que leur prédit la tradition. Les victimes se taisent et les hyènes courent toujours.

SOURCES :

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