Histoire

Les oubliés de la Namibie, retour sur un génocide

Peu de personnes en Afrique connaissent ce drame. Entre 1904 et 1908, environ 77 000 personnes issues de deux groupes ethniques (les Herero et les Nama), dans le Sud-Ouest africain allemand, l’actuelle Namibie, ont été exterminées par l’administration coloniale allemande. Plus de deux décennies après la réévaluation de ce crime d’extermination de masse, ses atrocités sont toujours très peu connues, même si peu à peu les choses changent grâce à l’action des Namibiens qui œuvrent pour faire connaître le calvaire de leurs ancêtres et réclamer des réparations. Retour vers l’histoire du premier génocide du XXème siècle!

La conférence de Berlin comme fait déclencheur 

La conférence de Berlin (1884-1885) aura duré quatre mois. Quatre mois pendant lesquels les anciennes puissances négrières ont décidé de l’avenir de l’Afrique, l’ont découpée en zones d’influence, y ont tracé arbitrairement des frontières. Aucun Africain n’a été consulté. Les anciennes puissances négrières devaient se constituer un empire et avoir des colonies en Afrique. Il restait donc peu de places pour l’Allemagne qui s’assura le Sud-Ouest ( l’actuelle Namibie ), le contrôle de l’Est Africain (correspondant aux territoires actuels de la Tanzanie, du Burundi et du Rwanda), ainsi que celui du Togo et du Cameroun. La colonisation allemande en Afrique dure de 1884 jusqu’au lendemain de la guerre, en 1918.

Toutefois ce n’est qu’à partir de 1893 que les allemands prennent les affaires en main et cherchent à asseoir leur domination sur les populations autochtones de la Namibie. Avec le général Von Trotha, placé au commandement par ordonnance impériale du 19 mai 1904 en remplacement du major Theodor Leutwein, la guerre contre le peuple de Namibie relève de l’extermination et de la destruction systématiques. Il fût une époque où l’anéantissement de peuples entiers faisait partie officielle de domination d’une puissance.

C’est dans ce contexte que des terres sont confisquées aux principales ethnies, notamment les Héréros et aux Namas. Les colons s’emparent aussi du bétail et traitent les Africains avec une absence totale de respect. Le viol est fréquent.

Organisée par le chancelier allemand Bismarck de novembre 1884 à février 1885, cette conférence marque le début du processus du partage de l’Afrique. ( Crédit : Pinterest )

En 1904, sous le leadership de Samuel Maharero, les Herero et les Nama se soulèvent contre l’administration coloniale. La répression des Allemands fût brutale. Pour venir à bout de la lutte des autochtones pour la liberté, les Allemands ont employé les méthodes les plus barbares qui soient. L’extermination était l’objectif à atteindre.  

La répression

En août 1904, le commandant en chef allemand dans le Sud-Ouest africain, le général Lothar Von Trotha, reçoit de l’empereur allemand Guillaume II l’ordre d’exterminer le peuple Herero et Nama : « N’épargnez aucun homme, aucune femme, aucun enfant, tuez-les tous ». Ce ne fût pas une métaphore mais l’arrêt de mort du peuple Herero.

Le général Von Trontha transmit à ses hommes l’ordre d’extermination : « à l’intérieur des frontières allemandes, tout Herero, qu’il soit trouvé avec ou sans fusil, avec ou sans bétail, sera abattu » le peuple Herero fût exterminé à 90%. Il s’attaque au peuple Héréro qu’il fait encercler de sorte que la seule voie de fuite possible soit le désert. En même temps, il fait empoisonner les points d’eau. «N’épargnez aucun homme, aucune femme, aucun enfant; tuez-les tous.» – Guillaume II, Empereur allemand. Ainsi fut proclamé l’arrêt de mort des Herero et Nama sur leurs propres terres, armés ou pas, avec ou sans bétail.

Lothar Von Trotha. ( Crédit : Wikipedia )

Les camps de concentration

Dès janvier 1905, les prisonniers Herero et Nama étaient répartis dans environ six différents camps de concentration parmi lesquels Shark Island, “l’île de la mort“, situé sur les côtes namibiennes. Dans ce dernier camp, dans celui de Windhoek, et bien d’autres, les Herero et Nama sont exterminés par le travail forcé et succombent à la maladie, aux mauvais traitements et à la malnutrition. Cette tragédie est resté ignorée, tant tant en Afrique, qu’en Europe.

Camp de concentration près de Windhoek, Namibie actuelle. 1906. ( Crédit : National Archives of Namibia )
Photographie des survivants Herero au cours du génocide. ( Crédit : National Archives of Namibia )

Inférieurs donc exterminables

C’est donc dans le cadre de la domination allemande en Namibie que Eugen Fischer va étudier, en 1908, chez les Baster installés à Rehoboth « le problème de la bâtardisation chez l’être humain ». Les recommandations du chercheur sont sans détour. On lit dans son traité à propos des métis :

« Qu’on leur garantisse donc le degré précis de protection qui leur est nécessaire en tant que race inférieure à la nôtre, rien de plus, et uniquement tant qu’ils nous sont utiles -autrement, que joue la libre concurrence, c’est-à-dire, selon moi, qu’ils disparaissent. »

Ce travail dans lequel monsieur Fischer considérait avoir démontré scientifiquement l’infériorité des Noirs fit la gloire du scientifique. Son prestige s’étendit au-delà des frontières, si bien qu’en 1929 il devient président du Congrès international de génétique.

Ces hiérarchisations raciales étaient dressées au moment opportun par des savants et des scientifiques afin de répondre aux besoins idéologiques de la colonisation et savamment entretenues depuis. Cette notion d’infériorité sera déterminante tout au long du calvaire des victimes. De plus, certains crânes des victimes furent envoyés en Allemagne pour les recherches scientifiques pour essayer de justifier une supposée inégalité des races.

Sur cette carte postale, des colons préparent l’envoi des crânes humains à destination de l’Allemagne. ( Crédit : Archives fédérales allemandes)
Eugen Fischer. ( Crédit : Wikipedia )
Fischer conservait des têtes de prisonniers dans des bocaux, à des fins d’études des races. ( Crédit : National Archives of Namibia )

Après que ces pratiques inhumaines aient demeuré pendant longtemps dans l’ombre, 20 crânes ont été finalement restitués à la Namibie en 2011.

Débaptiser les rues et déboulonner les statues

Tout comme dans plusieurs États Africains, les traces de la présence coloniale sont encore présentes en Namibie. Ce qu’il y’a de particulièrement déplorable, est que les statues, plaques de noms de rue ou d’établissements scolaires rendent encore hommage aux colons qui ont pourtant donné la mort à plusieurs dizaines de milliers de Namibiens. Un peu comme si à Auchwitz, les juifs offraient à Allemagne des statues en hommage au IIIe Reich.

Alors dans le cadre de la renaissance africaine, il est impératif pour les états africains, de déboulonner les statues à l’effigie des colons, mais aussi de rebaptiser plusieurs rues rappelant la colonisation et l’esclavage aux noms de nos héros, les militants pour l’intégrité Africaine. D’ailleurs la Namibie ne manque pas d’images de bravoure pour cela. Hendrik Witbooi en est un parfait exemple. Résistant africain à la colonisation, son esprit tenace et son rôle dans la prise d’armes contre le colonisateur allemand et la défense de la Namibie sont toujours enseignés et reconnus dans les écoles du pays. Son effigie orne les billets de banque namibiens.

Hendrik Witbooi ( Crédit : National Archives of Namibia )

Longtemps dans le déni, l’Allemagne commence à reconnaître peu à peu sa responsabilité, mais refuse pour l’heure, catégoriquement l’idée de réparations.

Sources : 

  • The Kaiser’s Holocaust: Germany’s Forgotten Genocide and the Colonial Roots of Nazism
  • La férocité blanche, Rosa Amelia Plumelle Uribe
  • Namibie : une histoire, un devenir
  • The Herero War – the First Genocide of the 20th Century?

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