Le Trône de Béhanzin, un spectacle pour réveiller les mémoires

Dans un paysage culturel en pleine redéfinition, le projet « Le Trône de Béhanzin » s’impose comme une initiative artistique ambitieuse portée par une volonté de réinterroger l’histoire du Bénin. Lancé en 2024 sous l’impulsion du rappeur Amir El Presidente, ce projet se distingue par sa capacité à mêler spectacle vivant, réflexion patrimoniale et engagement pédagogique. 

Qui était Béhanzin, cette figure emblématique de l’histoire du Bénin? 

« Gbè hin azin bô ayi djlè » (1844–1906), plus connu sous le nom de Béhanzin , est l’un des souverains les plus marquants du royaume du Danhomè. Il s’illustra par sa bravoure et sa résistance acharnée face à la colonisation française. Refusant de signer les traités de soumission, il mena son peuple dans une guerre contre l’envahisseur français en 1890 puis en 1892. Malgré la puissance militaire et la prise de Abomey par les troupes françaises, il continua de lutter farouchement avec à ses côtés les amazones. Finalement trahi par son frère Agoli-Agbo, il se rendra finalement en 1894 et finira exilé à la Martinique puis en Algérie où il meurt loin de son royaume. Aujourd’hui, il incarne la dignité, le courage et la résistance africaine. Sa statue, érigée sur la place Goho à Abomey, témoigne de son empreinte indélébile sur l’histoire.

Une œuvre ? Non, un voyage dans le temps 

Présentée pour la première fois au Palais des Congrès de Cotonou en Décembre 2024, la comédie musicale « Le Trône de Béhanzin » retrace la vie du « Axósú gbôwélé », le Roi Requin. Magistralement portée par des artistes comme Don Metok, Teriba, Sessimè, Fo Logozo , Ayodélé et Gopal Das, cette fresque vivante met en scène les luttes, les dilemmes et la grandeur de ce roi devenu légende. Les décors originaux et les costumes riches en couleurs nous embarquent dans un voyage sensoriel unique. Chaque détail a été minutieusement pensé pour refléter l’architecture du Palais Royal d’Abomey et l’esthétique de l’époque. Les scènes sont rythmées par des transitions fluides, mêlant théâtre, danse et musique, avec un réalisme époustouflant. Mise en scène par Didier Sèdoha Nassègandé, chorégraphiée par Rachelle Agbossou, avec Nasty Nesta à la direction artistique, cette comédie musicale est un véritable voyage dans le temps.  Le premier single de la comédie musicale, intitulé « Kondo », interprété par Don Metok et le groupe Teriba, a été dévoilé le 9 février 2024. Ce titre a reçu un accueil chaleureux et enthousiaste du public.  

Ce projet, c’est notre manière de faire parler les ancêtres. Il fallait qu’on réécrive notre histoire avec nos mots, nos sons, notre fierté. Amir El Presidente

Un projet au-delà de la scène : une ambition patrimoniale 

Le projet ne s’arrête pas au spectacle et s’inscrit dans une vision plus large. Il ne se contente pas de raconter l’histoire de Béhanzin ; il propose une relecture sensible et enracinée dans les traditions  locales, portée par des artistes béninois aux univers variés. En alliant théâtre, danse, chant et éléments  visuels évoquant l’architecture d’Abomey, le spectacle invite les spectateurs à ressentir plutôt qu’à  apprendre, générant ainsi une mémoire émotionnelle plus profonde.  Aussi, le projet de parc à thème culturel va au-delà du divertissement. Il s’agit d’un espace  d’éducation et de réappropriation historique, destiné à faire dialoguer les générations autour de la  grandeur du royaume du Danxomè. À une époque où les jeunes générations sont souvent coupées de  leur passé précolonial, ce type d’initiative est le bienvenu pour renforcer la conscience historique et  identitaire.  Le soutien d’institutions comme Sèmè City, la Banque mondiale ou le ministère de la Culture et des  Arts, confirme son rôle stratégique dans la valorisation du patrimoine immatériel et dans l’affirmation  d’un “soft power“ béninois à travers l’art et la mémoire.

Entre transmission culturelle, responsabilité mémorielle, exigence historique et choix artistiques 

Représenter une figure aussi importante que Béhanzin impose une rigueur documentaire. Il faut éviter  la caricature ou l’anachronisme tout en rendant le récit vivant et accessible. Trouver cet équilibre  entre vérité historique et narration dramatique est l’un des défis majeurs.  Aussi, Béhanzin est bien plus qu’un personnage historique : c’est un symbole. Le rôle exige des  interprètes, une posture forte, capable de porter l’humanité d’un homme et l’aura d’un mythe. C’est  un défi de jeu, mais aussi de direction artistique, tant la figure de Béhanzin engage les émotions et la  mémoire d’ensemble. 

Les costumes, les décors et les transitions scéniques quant à eux ont nécessité des recherches  approfondies pour reproduire fidèlement l’ambiance de la cour royale d’Abomey. Cela inclut des  choix artistiques engagés, comme l’usage de motifs adja-fon, les coiffes traditionnelles ou les  instruments anciens.  Enfin, toute œuvre sur la colonisation porte une charge politique. Le Trône de Béhanzin assume ce  rôle, mais doit aussi éviter l’excès de didactisme ou d’idéologie. Le choix d’un langage artistique  poétique permet justement de transcender le message et de toucher le spectateur sans l’enfermer dans  un discours.

Un apport au paysage culturel béninois 

Avec une approche accessible et créative, le projet participe au renouveau des pratiques culturelles locales. En réinterprétant une figure historique forte, il permet à un public élargi de s’approprier une mémoire souvent réduite aux livres ou à la tradition orale. Ce travail de vulgarisation culturelle répond à une demande sociale croissante de représentations positives, enracinées et actuelles. 

Quelques perspectives d’avenir pour la mémoire de Béhanzin 

Fort du succès rencontré, le projet envisage plusieurs autres axes de développement. Une tournée nationale et internationale est en préparation pour faire découvrir cette œuvre au-delà des frontières béninoises. Parallèlement, des adaptations en formats numériques sont envisagées, permettant ainsi une diffusion plus large. Des initiatives éducatives, telles que des ateliers et des projections dans les écoles, sont également prévues pour sensibiliser les jeunes générations à l’histoire du roi Béhanzin et à l’importance de la préservation du patrimoine culturel. 

Sources

1. Adam Lang (edited), Cleveland State University, “Akhosu Behanzin: North Korean Style,” Bright Continent, accessed April 11, 2025, https://access.thebrightcontinent.org/items/show/38
2. AGBON SB. Le Trône de Béhanzin : Entretien avec l’initiateur, Amir El Presidente [Internet]. Bénin Intelligent. 2024. https://www.beninintelligent.com/2024/02/10/le-trone-de-behanzin-
   entretien-avec-linitiateur-amir-el-presidente/
3. Black History Month 2025. 2008. The History of the Kingdom of Dahomey. https://www.blackhistorymonth.org.uk/article/section/pre-colonial-history/the-history-of-
   the-kingdom-of-dahomey/
4. CotonouBoyMedia. Le Trône de Béhanzin : Le grand décryptage. Youtube. https://youtu.be/SO0eKcFu6OY?si=MgiY2uS8tpWmJld1
5. Libre M. Matin Libre. 2023 [cité 11 avr 2025]. Amir El Presidente annonce le Spectacle Grandiose « le Trône de Béhanzin ». Disponible sur: https://matinlibre.com/2023/12/14/amir-
   el-presidente-annonce-le-spectacle-grandiose-le-trone-de-behanzin/
6. The conquest of Dahomey (1890-1894). Service historique de la Défense. https://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/en/thematic-topics/conquest-
   dahomey-1890-1894
7. Tous Les Jours Ne Sont Pas Dimanche. Trône De Béhanzin Après la première représentation du « Trône de Béhanzin », retour sur la démarche artistique et les petits secrets de (…). Facebook. https://web.facebook.com/share/v/19joqPwFeg/