Histoire

Le FESMAN : Festival Mondial des Arts Nègres, de 1966

Du  1er au 24 avril 1966 se déroula dans la capitale sénégalaise un événement culturel majeur qui connut une renommée planétaire : le premier Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN). Dans la droite ligne de la négritude théorisée par Césaire et Senghor, l’objectif était de montrer la contribution culturelle de l’Afrique et de sa diaspora à l’humanité. Plus de cinq décennies après, retour sur ce que certains surnommèrent « les états généraux de la négritude ».

Le contexte du FESMAN

Affiche Du FESMAN- Source : Continuo

L’idée de ce festival remonte aux Congrès des écrivains et artistes noirs  tenus à Paris et à Rome respectivement en 1956 et en 1959. Dans la foulée des indépendances africaines, l’élite intellectuelle issue des ex-colonies et des Antilles était en pleine effervescence. Le mot d’ordre était de redorer le blason de l’Africain et de dresser un vaste panorama des formes de créativité issues de l’Afrique et de sa diaspora.

Le FESMAN, un événement à portée mondiale

Plusieurs fois repoussé (de 1961 à 1965), le Festival se tint finalement en avril 1966 à Dakar sous l’égide du poète-président Léopold Sédar Senghor. La coordination des activités fut confiée à Alioune Diop, fondateur de la revue Présence Africaine et avec la participation de la Société Africaine de Culture. Le thème principal du FESMAN était « Fonction et importance de l’Art nègre et africain pour les peuples et dans la vie des peuples ».

Des écrivains aux plasticiens, en passant par les danseurs et cinéastes, toute la fine fleur des artistes noirs y fut conviée. Un large parterre de personnalités s’y distingua : Joséphine Baker, André Malraux, Duke Ellington, Langston Hugues, Aimé Césaire, Aminata Fall, Ibou Diouf etc. Les diverses manifestations se déroulèrent au musée dynamique construit pour l’occasion, au village artisanal de Soumbédioune, au palais de justice pour l’exposition d’art contemporain, à la cathédrale du souvenir africain, à Gorée  et au théâtre national inauguré huit mois auparavant. Pour un budget de 150 millions de FCFA, Dakar accueillit plusieurs milliers de participants venus de 40 pays.

Un festival qui ne fit pas pour autant l’unanimité

Le FESMAN se voulut fer de lance de la négritude. Pour autant, ce concept n’était pas perçu de la même manière par ces deux principaux théoriciens. Pour Senghor, le FESMAN est un événement purement culturel  organisé « pour la défense et l’illustration de la négritude ». Césaire y accordait une connotation plus politique. Pour ce dernier, avant de chercher à sauver l’art africain, les politiques doivent d’abord faire « de la bonne politique africaine ». Il dénonça aussi la dérive bureaucratique et l’endoctrinement minant les politiques culturelles en Afrique.

En outre, Senghor était vivement critiqué par une partie de l’opinion sénégalaise. Cheikh Anta Diop, virulent opposant, boycotta ce festival. Le régime de Senghor, jugé trop proche de l’ex-métropole (donc favorable au néocolonialisme français) est aussi la cible de pays de la sous-région hostiles à Paris. Sékou Touré ironisa en renommant le FESMAN « festival des sales nègres ». Des artistes comme Miriam Makeba et Paul Robeson refusent aussi d’accorder du crédit au gouvernement sénégalais.

Toutefois, le FESMAN fut un succès et marqua les esprits. D’autres éditions eurent lieu en 1977 à Lagos et en 2010 à Dakar mais avec un retentissement moindre.

Sources :

Djidé

Béninois, Archiviste-documentaliste sorti de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature. Passionné d’histoire, de livres et de musique.

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