CHEIKH ANTA DIOP, l’homme qui voulut rendre à l’Afrique ses lettres de noblesse

#BlackHistoryMonth

Il y a des œuvres que l’on lit au passage et qu’on oublie la minute d’après. Et puis, il y a celles-là qui transforment votre vision du monde et remettent en question tout ce que vous saviez jusqu’alors. Nations nègres et Culture, le titre seul suscite en moi tant d’émoi. C’est le livre qui m’a fait prendre conscience de mon continent, de l’aliénation culturelle dans laquelle je baignais béatement, de la mission qui m’était désormais attribuée en tant que Afro-consciente.

Lorsque cet ouvrage paraît en 1954 pour la première fois aux éditions Présence Africaine, les thèses révolutionnaires de Cheikh Anta Diop sont fortement contestées, même par les intellectuels noirs. Il faut dire que les théories racistes de savants tels que Levy-Bruhl ou Hegel étaient prédominantes dans le monde scientifique, étaient enseignées dans les écoles et avaient dirigé les actions coloniales sur le continent noir, donc s’étaient imprimées dans l’imaginaire des Africains comme des paroles d’Evangile. Seul l’écrivain Aimé Césaire considérera Nations nègres et Culture comme « le livre le plus audacieux qu’un nègre ait jamais écrit » (Discours sur le colonialisme, 1955).

Après la soutenance de sa thèse à la Sorbonne en 1960, il décide de rentrer au Sénégal. D’ailleurs, il dira à cet effet : “Je rentre sous peu en Afrique où une lourde tâche nous attend tous. Dans les limites de mes possibilités et de mes moyens, j’espère contribuer efficacement à l’impulsion de la recherche scientifique dans le domaine des sciences humaines et celui des sciences exactes. Quant à l’Afrique noire, elle doit se nourrir des fruits de mes recherches à l’échelle continentale. Il ne s’agit pas de se créer, de toutes pièces, une histoire plus belle que celle des autres, de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l’indépendance, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire.” (Interview in “La Vie Africaine“, n°6, mars-avril 1960, p. 11).

Malgré le rejet de la communauté scientifique et le conflit qui l’oppose à Leopold Sedar Senghor – lequel lui interdit d’enseigner à l’Université de Dakar – il continuera ses recherches dans le laboratoire qu’il crée au sein de l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire (IFAN) en 1961.

Sa persévérance le conduira vingt après la publication de son livre phare au colloque international du Caire, organisé sous l’égide de l’Unesco en 1974, où ses thèses seront consacrées. Ainsi, Il participera  au projet d’écriture de l’Histoire Générale de l’Afrique, une histoire libre des préjugés raciaux. Homme aux multiples casquettes (linguiste, égyptologue, anthropologue, historien),  dont les recherches contribuèrent à montrer l’apport de l’Afrique noire à la civilisation humaine, Cheikh Anta Diop était également un panafricaniste. Il était convaincu que seule l’unité de l’Afrique lui permettrait de participer au concert des Nations.

(c) cheikhantadiop.net

Il est apparu dans ma vie à une période où je me questionnais énormément sur mon identité en tant qu’Africaine dans un monde en évolution. J’avais besoin de connaître l’Histoire de mon Peuple, MON histoire. Ce besoin est toujours présent car il y a encore tant à apprendre. Grâce au travail qu’il a effectué, je me définis aujourd’hui comme une afro-centriste, une personne dont le regard est tourné avant tout vers l’Afrique et les Noirs. Je n’aurais jamais l’occasion de lui dire merci car il m’a permis de découvrir un univers resté inconnu pendant 22 années. J’espère néanmoins me rendre sur son tombeau pour lui rendre hommage.

A formation égale, la vérité triomphe. Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu'aux dents et arrachez votre patrimoine culturel. - Cheikh Anta Diop Share on X

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