Sarraounia Mangou, la reine guerrière du Niger

Les différentes résistances en Afrique coloniale ont connu la participation de plusieurs femmes souvent oubliées dans l’histographie. L’une d’elles, Sarraounia Mangou, a régné sur la destinée du peuple Azna, une population animiste qui vivait dans la cité-Etat de Lougou, au cœur d’une région de vieille civilisation haoussa dans l’actuel Niger. Retour sur l’histoire de l’une des plus grandes guerrières de l’Afrique !

Sarraounia, symbole de la dignité africaine

La cité Azna de Lougou (village animiste), dans l’actuel Niger, est connu pour avoir été dirigée par une puissante dynastie de femmes souveraines qui y ont exercé le pouvoir politique et religieux. Elles portaient le titre de Sarraounia, qui signifie « Reine » en langue Haoussa. Il s’agit d’un titre héréditaire dont les origines remontent au XVIIème siècle.

La plus célèbre de cette dynastie est Sarraounia Mangou, connue pour avoir tenu tête à la mission Voulet-Chanoine précisément dans la région mawri de l’Aréwa, au sud-ouest du pays. Pendant que de certains royaumes d’Afrique de l’Ouest capitulaient sans difficultés face aux Français, la tribu de Sarraounia a résisté à l’avancé des troupes françaises, et livré une rude bataille à la colonne Voulet-Chanoine, le 16 avril 1899.

Reine Sarraounia dans une scène extraite du film de Med Hondo consacré à la reine guerrière du Niger (1986). (C) Louga News

Notons que cette colonne d’exploration dirigée par les officiers Voulet et Chanoine, est l’une des plus tristement célèbres de la colonisation française en Afrique de l’Ouest pour avoir mené une des missions les plus meurtrières de St Louis au Sénégal, à Zinder au Niger, pillant et dévastant des dizaines de villages sur son passage. La reine Sarraounia Mangou leur a opposé une farouche résistance, et aurait pris les armes pour défendre stratégiquement son territoire et son peuple.

Sarraounia, symbole du courage et du leadership de la femme africaine

La reine guerrière a le mérite d’avoir freiné l’expansion française comme tout bon chef de résistance africaine, mais elle n’a pas réussi à les arrêter. Toutefois, pour défendre son Etat qu’elle a fini par faire abandonner aux opresseurs malgré leurs artilleries lourdes, Sarraounia Mangou a fait preuve de bravour et de courage, en organisant la résistance, et en protégeant les habitants réfugiés dans une forêt dite non-pénétrable par l’ennemi. Aussi, elle a continué d’harceler les troupes françaises bien après l’affrontement au point de leur faire abandonner son village qu’elle a recupéré une semaine après la grande bataille.

(C) nofi.fr

L’armée coloniale y a perdu 4 combattants et 7000 cartouches sans oublier plusieurs cas de blessés graves. Sarraounia incarne aujourd’hui à Lougou et au Niger en général, le symbole de la lutte contre l’impérialisme. Même si elle a su mobiliser des ressources humaines, matérielles et militaires pour se défendre, il faut noter que le combat de la tête couronnée a été fortement marqué par l’usage de la magie noire.

Dans le livre “Le Grand Capitaine” de Jacques-Francis Rolland consacré à la mission Voulet-Chanoine, un passage présente Sarraounia comme une « reine-sorcière » dont les incantations fanatisaient les guerriers de sa tribu et inquiétaient les auxiliaires de l’armée coloniale.

(c) Sharqart

La dignité Azna n’avait pas de prix pour Sarraounia Mangou. On lui reconnait également le mérite d’avoir tenu en échec les Touaregs qui multipliaient des araids contre son village, puis les Fulani qui ont essayé de convertir avec force les Azna à l’islam. Demeurée pendant longtemps méconnue du grand public, cette figure, aujourd’hui célèbre au Niger, en Afrique et au delà du continent noir, a été popularisée par une oeuvre littéraire publiée en 1980. Il s’agit du roman intitulé au nom de la reine et écrit par le célèbre poète et écrivain engagé, Abdoulaye Mamani. Cet ouvrage a aussi associé la reine à un personnage mythique dont le récit demeure majoritairement basé sur la tradition orale.

Jeune, belle, courageuse et fière comme une panthère, la reine animiste Sarraounia Mangou des Azna a fait vivre un vériatble cauchemar à la tristement célèbre colonne Voulet et Chanoine en Afrique de l’Ouest.

La reine panthère, un personnage mythique

” Pouvez-vous voir la fierté qui se dégage de la panthère ?

Quand elle rayonne de sa splendeur et de sa grâce…
En surmontant les obstacles mis en place
Sur la progression de sa course…
Pouvez-vous voir la fierté qui se dégage de la panthère ?

[…]

Ça brille vivement comme les rayons du soleil 
Et s’illumine vivement comme le soleil qui se lève

[…]

Pouvez-vous voir la fierté des panthères ? ” – Tupac Shakur

(C) Miss Zeeee

Si vous la voyez, alors vous voyez également celle de Sarraounia Mangou. D’après la légende, elle est née avec des yeux jaunes, comme ceux de la panthère devenue plus tard le symbole du peuple Azna. Elle prit les rênes du royaume  à la mort de son père, alors qu’elle n’avait que 20 ans. Sa bravoure et sa lutte continue pour la dignité Azna fut d’elle la Sarraounia la plus populaire du royaume. Selon une version peu populaire de l’histoire, la mort des commandants Voulet et Chanoine, 3 mois après s’être repliés de Lougou, serait l’oeuvre de la reine qui aurait réussi à remonter les auxilliaires français contre leurs officiers supérieurs grâce à ses pouvoirs magiques.

Par ailleurs, contrairement aux prescriptions qui interdisaient toute vie sociale/amoureuse aux Sarraounia, la jeune et belle reine Azna prit deux amants (un griot et un guerrier) avec qui elle entretint une relation secrète qui finit par être découvert par le peuple. Cet acte a été souligné dans le roman de Mamani, toujours dans lequel on peut lire que cette erreur a été pardonnée à la reine. Son amour pour sa tribu et son abnégation dans la gestion du destin de son royaume peuvent largement expliqué les motivations du pardon des anciens.

Sources :

Quitter la version mobile