Le port du foulard Africain, entre modernité et tradition

Le foulard est un accessoire vestimentaire que l’on retrouve dans différentes cultures. Selon le type de tissu, les motifs, la couleur et le style de l’attaché, il est utilisé aux quatre coins du monde  symboliquement pour représenter des religions et des cultures. Appelé « Duku » au Malawi et au Ghana, « Dhuku » au Zimbabwe, « Tukwi » au Botswana, « Gele » chez les Yorouba, « Ichafu » chez les Igbo, « Kouna Diala » chez les Bambara (le bandeau qui serre la tête), « Gnoubouholo » chez les Senoufo, « K’sa » chez les Touareg, le foulard africain est plus qu’une pièce de tissu, son port est plus qu’une tendance. Décryptage d’un phénomène qui a conquiert le monde de la mode.

 

LE PORT DU FOULARD SELON LES TRADITIONS

Le port du foulard date de l’époque précoloniale. Les Africaines portaient déjà le foulard bien avant la pénétration arabe sur le continent. D’après le sociologue malien Facoh Diarra, les femmes Bambara portaient le foulard pour se protéger des mauvais esprits. En effet, selon la croyance populaire, les génies de l’eau et de la brousse avaient de l’attrait pour les jeunes mariées. Le foulard était donc une protection divine contre ces êtres surnaturels.

Le foulard a une signification religieuse. Chez les Senoufo, il fait partie d’un accoutrement spécial que le doyen de la famille doit arborer tout au long de la journée destinée au culte des ancêtres. Pendant le « mi towi canni canhi » (jour du marché de mon père), cérémonie au cours de laquelle un foulard rouge, serti de cauris, sur lequel des incantations sont faites, la pièce d’étoffe est attachée par un géomancien sur la tête du patriarche. Également, le foulard est porté par les personnes qui pratiquent les religions traditionnelles africaines connues sous les noms « Lukumi » ou « Santeria » à Cuba, « Candomble » au Brésil, « Vodoun » au Bénin et dans les Caraïbes.

Porter le foulard est également une pratique commune dans plusieurs cultures pendant de grandes cérémonies telles que le mariage, étant donné que cet accessoire est considéré comme un attribut de la féminité. Chez les Yorouba, le « Gele » complète l’iro et le buba et forme avec ces derniers la tenue traditionnelle portée pendant des occasions spéciales. Dans la tradition Bamanan par exemple, le foulard exprime le passage de la jeune fille au stade de femme accomplie, le mariage étant signe d’accomplissement et d’honneur.

En ce qui concerne l’attaché du foulard, il est important de préciser qu’il n’est pas anodin. Dans la société Yorouba, il fut utilisé par les femmes pour décrire leur situation amoureuse : le bout du foulard qui pointe à droite montre que la femme qui le porte est mariée ; par contre, s’il pointe à gauche, cela signifie que la femme en question peut est disponible. Par ailleurs, l’attaché du Gele est également un élément du statut social. Plus l’attaché est complexe et large, plus élevée est la place de cette femme dans la communauté concernée. Selon sa texture et son design, le Gele est donc un attribut de richesse.

Attacher le Gele est un véritable art. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il existe des spécialistes du Gele, des femmes qui ont bâti leur business sur sa fabrication ou son attaché pour des cérémonies particulières.

Dans de multiples traditions autour du continent africain, le foulard est l’accessoire sans lequel la tenue est incomplète. Il est pour la femme qui le porte « la couronne de gloire » qui sublime son accoutrement.

Dans certaines sociétés l’attaché du foulard reflète le statut social de la femme qui le porteCLIQUEZ POUR TWEETER

 

LE FOULARD COMME INSTRUMENT POLITIQUE

Le foulard a une signification particulière dans l’histoire des Peuples Noirs hors du continent, notamment ceux des États-Unis. Helen Bradley Griebel reconnait que le port du foulard est une pratique originaire de l’Afrique de l’Ouest. Cependant l’esclavage lui a donné un sens autre que le but esthétique auquel il était voué. En effet, Griebel le définit comme un symbole de servitude et un emblème de privation économique et sociale. Utilisé comme instrument de domination, le foulard fut imposé par les esclavagistes blancs à travers des lois (South Carolina Negro Act de 1735). Il s’agit par exemple du « Tiyon » ou « Tignon » qui est une sorte de turban dérivant du code vestimentaire imposé aux « femmes de couleur » en Louisiane à partir de 1786. Ledit code, plus connu sous le nom de « Tignon law », a été mis sur pied sous l’administration du gouverneur Esteban Rodriguez Miro, lorsque la Louisiane était sous domination espagnole.

Par contre, pour les esclaves qui le portaient et leurs descendants, le foulard était un signe de courage, d’endurance et d’unité avec leur communauté. C’est dans cette optique qu’il refait surface en 1960 avec les mouvements politiques et culturels noirs tels que les Black Panthers ou le Black Power. Après avoir été abandonné avec l’abolition de l’esclavage aux États-Unis en 1865 car symbole de la domination des Blancs sur les Noirs, le foulard est arboré fièrement par des femmes noires engagées : Nina Simone, Maya Angelou, Aretha Franklin…

 

 

QUELLE SIGNIFICATION PEUT-ON DONNER AU PORT DU FOULARD AUJOURD’HUI ?

L’on peut dire que le foulard est avant tout symbole d’africanité et de féminité. Il n’a pas perdu son sens traditionnel mais aujourd’hui il est surtout le symbole d’une Afrique qui a conquis le monde de la mode. De nombreuses stars telles que Erykah Badu, Lauryn Hill, Beyoncé, Alicia Keys, Lupita Nyongo le portent pour rehausser leurs tenues. Cette tendance a permis l’éclosion de mouvements tels que « Oser le foulard » avec des ateliers au cours desquels l’on apprend aux femmes à attacher cet accessoire.

 

SOURCE

TAYLOR, L. (2002), The story of dress history, Manchester University Press.

GRIEBEL, H. B., “The West-African origin of the African-American headwrap”, in Dress and ethnicity : Change across space and time, édité par Joanne B. Eicher, Washington D.C.

GRIEBEL, H. B., “The African American woman’s headwrap: Unwiding the symbols”, consulté sur www.char.txa.cornell.edu/griebel.htm

www.afriquefemme.com/fr/mode/accessoires/84-mode/accessoires/1508-le-foulard-gele-son-histoire-ses-pratiques

www.cctv.com/2016/06/23/VIDELqvJWH3Oo4kBHwl6rpXW160623.shtml

 

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