Le bocio, cette sculpture vodoun dotée de pouvoirs

Le Bocio est une forme d’art traditionnel encore peu connue du grand public. Cette œuvre d’art anthropomorphe qu’on retrouve partout en Afrique de l’Ouest est l’une des divinités du vaste panthéon du culte vodoun dont les Fon du sud Bénin furent les premiers usagers. Atin vlègbêto, Atinkpavi ou poupée vodoun, en dehors de son pouvoir curatif, le bocio offre de nombreuses autres possibilités d’utilisation.

De la protection

Si le vodoun perdure en Afrique malgré la prolifération des religions importées, c’est qu’il répond toujours à l’un des impératifs socio-culturels qui est la protection. Le bocio est une divinité à travers laquelle se réalise cette quête permanente dans une Afrique où selon la conscience commune, le malheur n’est jamais naturel. Raison pour laquelle comme le Lègba, et souvent près de lui, il est installé parfois devant les concessions, sous prescription du Fâ, afin de parer toutes sortes de maléfices et pour réguler les discordes et les mésententes persistantes.

Outre cette protection générale, le bocio garantit la sécurité sanitaire. Il est pour le boconon en effet, l’un des outils indispensables pour la réussite d’un rituel de guérison ou d’exorcise. L’historien Béninois Joseph ADANDE explique le procédé en ces termes : « loin d’agir sur la personne physique du malade, il (boconon Ndr) appliquait son traitement à la représentation sculptée du patient et le mal disparaissant, la personne échappait à l’emprise de la mort… ». La présence physique du souffrant n’est donc pas requise du fait que le bocio renferme aussi un pouvoir télépathique.

Du caractère télépathique du bocio

Le hoxovi, les jumeaux, sont pour les Fon du Bénin autant un mystère qu’un miracle. Pour avoir vécu dans le même ventre, un lien inébranlable les ceint au-delà de l’apparence. Ils partagent ainsi, même à distance, le meilleur et le pire. Quand l’un d’eux venait à mourir lors de l’accouchement ou après quelques années d’existence, son bocio est sculpté et entretenu comme un humain (habillé, nourri…) de peur qu’il n’entraîne son second dans l’au-delà. Cette preuve du rapport entre la vie et la mort n’est que la forme restreinte du lien entre le réel et l’irréel, ou le visible et l’invisible.

Bocio – Amour

Un couple de bocio scellé, enduit d’huile, de farine de maïs, de sang de coq immolé ou tout autre élément rituel, est rarement signe de mauvais présage. Il solidifie les relations amoureuses (au cas où ce sont des bocios de différents sexes) ou les relations d’affaire (le cas des bocios du même sexe).

De l’apotropaïque du bocio

La prévention des maladies est un dérivé du pouvoir protecteur de cette sculpture. Le bocio possède en effet un pouvoir magique, apotropaïque. C’est le professeur d’histoire Joseph ADANDE, éclairant une fois de plus nos lanternes qui précise que cette représentation humaine « sert de piège à malice : celui-ci se trompe de cible parce que les attributs essentiels de l’humain peuvent servir à le désorienter : prenant possession d’un bout de bois, il pense avoir saisir une proie humaine » ; affirme-t-il dans son article ‘’Le bocio : cette sculpture de rien qui cache tout’’. Il sera aidé par le collectionneur Gabin Djimassé qui trouve en bocio une autre fonction que celle préventive. Il affirme que « dans le contexte et l’imaginaire de la culture fon, pour atteindre la forme insaisissable, divine ; chacun peut utiliser l’intermédiaire qui lui est le plus proche, à travers lequel se manifeste le souffle. Le bocio est un de ces objets ». Le bocio est donc un truchement entre Dieu et les humains par l’entremise du Vodoun.

En outre, il accompagne les objets de culte (fongbé : nun sisen), mais il est incontournable pendant les xwétanu, cérémonies populaires dont le but est non seulement de purifier l’entièreté d’un village mais aussi d’enclencher le processus d’enracinement des citadins déconnectés des valeurs endogènes. A part la valeur quasi ésotérique des bocio, il en existe qui n’ont qu’une valeur ornementale. Ceux-ci, multiformes et pluridimensionnelles, peuvent être procurés par tout individu et se trouvent dans les marchés. Mais d’où vient en réalité cette sculpture anthropomorphique ?

Origine mythique du bocio

Le bocio est présent en Afrique de l’Ouest notamment chez les peuples Fon et Yoruba, essentiellement adeptes du vodoun. Selon l’historien Béninois Joseph ADANDE, « le bocio se conforme aux normes de la statuaire africaine telles que d’autres chercheurs les ont énoncées : importance de la tête souvent surdimensionnée par rapport au reste du cours, attitude hiératique ou quasi iconique de la personne, sérénité de la face ; comme pour d’autres sculptures africaines, les jambes du bocio sont mi- fléchies, et les bras, la plupart du temps sont accolés au corps, les mains parfois ramenées sur l’abdomen. La partie inférieure de bon nombre de bocio est effilée… »

Les premiers usages de cet objet d’art de représentation humaine remontent aux premières pratiques du  même si le Roi Agaja (1708-1738) en a fait un objet cultuel particulier. Ce n’est qu’au XIXe siècle que cette forme d’art statuaire entre dans sa reconnaissance internationale pour avoir été cité par Forbes (1851), Burton (1864) et Skertchly (1875).  L’origine du vocable reste diversifiée. Pour les uns, le nom relève de la forme et de la fonction même de cet objet. Bo « puissances magique » et cyo « cadavre » ; peut signifier le cadavre doté de puissances magiques, une statuette assez particulière chargée de pouvoir. Pour les autres, Bo est un individu qui extirpait les maux de ses patients mourants, qu’il orientait vers une statuette humaine qui devenait à cet effet un cadavre « cyo ». L’habitude aurait tôt fait d’appeler cet objet : « le cadavre de Bo ».

Le point commun à ces prétentions, réside dans la valeur substitutive à la personne humaine. C’est en cela même que prennent corps et se manifestent toutes les fonctions de cette sculpture dont nous avons fait mention.

Les genres apparentés du bocio  

Le symbolisme des œuvres d’art diverge selon les peuples qui les pratiquent. Chez les Fon, l’aspect même du bocio, l’expression de son visage, comme d’ailleurs le vodoun, braque l’attention sur deux sentiments principaux : le calme qui anime l’esprit des hommes sages et la sérénité dont il faut s’embrasser face aux épreuves de la vie.  Au-delà de son ésotérisme, le bocio, en tant que forme d’art est tout une philosophie de vie.

Les Africains ont intérêt à faire feu de tout bois pour que les objets d’art pillés pendant la colonisation qui ornent et enrichissent les musées occidentaux leur soient restitués.

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