Kunyaza et Gukuna : quand l’Afrique enseigne au monde l’épanouissement sexuel féminin

Le sexe fait partie des sujets qui sont souvent évacués du débat public en Afrique Noire. Mœurs, religions, traditions séculaires font de la sexualité un thème tabou qu’il ne fait pas bon d’exposer en public, surtout quand il s’agit de la sexualité féminine.  Du moins, c’est ce qu’on pourrait penser de prime abord. Pourtant, dans la région des Grands Lacs, et plus particulièrement au Rwanda, il existe une tradition véhiculée depuis des lustres et plaçant la jouissance de la femme au cœur de l’acte sexuel.

Une origine légendaire

Selon la légende véhiculée au Rwanda, il était une fois une reine dont le l’époux fut retenu au loin par des conflits incessants. Frustrée sexuellement, elle se rabattit sur l’un des gardes du palais pour s’apaiser. Craignant d’éventuelles représailles de la part du monarque époux, c’est tout apeuré que le serviteur approcha sa verge tremblante du clitoris de la reine. Ce qui provoqua une jouissance tellement puissante que des flots se répandirent et donnèrent naissance au lac Kivu.

Mode d’emploi de Kunyaza et Gukuna

Voilà ainsi expliquée l’origine mythique d’une pratique sexuelle transmise depuis plusieurs générations. En Kiniyarwanda (langue parlée au RwandaBurundi et dans l’est de la République Démocratique du Congo), Kunyaza provient du terme « Kunyaraara » signifiant « uriner ». Comme on l’aura compris, il s’agit d’une métaphore désignant les secrétions vaginales conséquentes au coït.

En termes simples, le kunyaza consiste pour le partenaire masculin à se servir de sa verge pour tapoter le clitoris, les lèvres et l’orifice vaginal de la femme. Ce tapotement rythmique est fait autour de la vulve tout en décrivant des mouvements circulaires ou en zigzag. La résultante en est des sensations intenses chez la femme voire l’éjaculation féminine.

Cette pratique n’est cependant pas isolée. Elle est alliée à une autre appelée Gukuna qui en constitue le complément. Le Gukuna est un rituel d’étirement des petites lèvres de la vulve se pratiquant entre femmes. Cette modification génitale conduit à terme à un dépassement des grandes lèvres par les petites, ce qui favorise la sensibilité aux stimulations physiques. Kunyaza et Gukuna combinés permettent à la femme d’atteindre le Kuraanziga, l’orgasme féminin (son équivalent masculin étant le gusohora).

Les écueils à la transmission de cette tradition

L’enseignement de ces pratiques ne se fit pas sans quelques réticences. En effet, l’Eglise catholique a toujours vu d’un mauvais œil le gukuna qu’elle assimile à de la masturbation féminine donc à un péché selon les dogmes chrétiens. En outre, à l’ère de la modernité, beaucoup estiment qu’elles ne doivent pas être vulgarisées, étant entendu que dans la culture rwandaise, le sexe ne se discute pas en public. En outre, certaines associations occidentales assimilent le gukuna à une mutilation génitale.

Loin d’y voir une incitation à la débauche, il est nécessaire de replacer le kunyaza et le gukuna dans leur contexte traditionnel. En effet, ces pratiques font partie de l’éducation de la jeune fille en vue de la préparer au mariage. Le gukuna est fait strictement entre femmes sous la supervision d’une tante paternelle. Aussi, les secrétions issues du rapport sexuel sont considérées comme signe de fertilité et d’épanouissement.

Et aujourd’hui ?

Depuis quelques décennies, le kunyaza et le gukuna connaissent un regain d’intérêt de la part de la jeunesse rwandaise. A l’instar de la chercheuse ougandaise Sylvia TAMALE, certaines féministes se sont saisies de ces pratiques pour une meilleure éducation sexuelle des femmes. En 2016, le kunyaza fit même l’objet d’un documentaire d’Olivier Jourdain. Intitulé L’Eau Sacrée, il est disponible en DVD.

Sources :

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