A la découverte du peuple Mahi, une ethnie altière

Le Bénin, ex-Dahomey, est l’un de ces pays riches de par leur importante diversité ethnique. Dans cet essaim de tribus se trouve le peuple Mahi, connu principalement pour son emblématique résistance à l’ancien royaume d’Abomey. Même si la signification précise de l’ethnonyme Mahi peine à faire l’unanimité, les historiens s’accordent sur l’inflexibilité des Mahinous, leur fort attachement à l’indépendance et leur atypique patrimoine culturel, et leur solidairité. Estimés à 17% de la population béninoise, tour d’horizon de l’univers des Mahi !

Un peuple mixte uni par la résistance

La situation géographique du pays Mahi est une entreprise peu aisée avant le XIIIe siècle. A une époque où de puissants rois d’Abomey s’étaient successivement lancés dans la conquête d’autres terres afin d’étendre leur territoire, ils se sont confrontés à l’implacable résistance des peuples des régions de Djigbé, de Guédévèdji, d’Agonli, ainsi que de Ketou. Fortement attachés à leur liberté, ces derniers, originaires des contrées de l’Ouémé et du Zou, fuiront leurs divers foyers en quête de refuge et protection dans les collines du centre Bénin.

Les collines de Dassa-Zoume. (c) Benin tourisme

A Dassa et surtout dans les régions collinaires proches de Savalou, ces peuples récalcitrants aux yeux des assiégeants (d’où le nom Mahi qui signifie ceux qui se révoltent) vivront cachés pendant des siècles sous le couvert de fabuleux monts et collines dont la chaine de Savalou, les collines jumelles de Kpataba-Savalou, le mont Sègui de Logozohè et la chaine de Monkpa “Alokpasso”.Le Mahi est fier, tenace, courageux et fortement attaché à son indépendance.

Dans son roman Doguicimi, l’un des premiers écrivains béninois Paul Hazounme, mu par l’esprit ethnologue, rapporte l’incroyable défaite des Danxomenous lors de l’une des sanglantes résistances de Houndjroto, une chefferie Mahi située à l’est d’Abomey. D’autres royaumes et chefferies à l’instar de Gbowélé, de Tchahonka marquent aussi l’histoire avec d’irréfutables preuves de l’honorable résistance des Mahinous. Même à la porte de la défaite certaine, ils préfèrent mourir les armes à la main que de se livrer. L’honneur n’est point négociable chez les Mahinous. Ils préfèrent mourir au combat que de céder à la pression de l’ennemi.





Le regroupement de ces communautés de différentes cultures, de divers modes de vie et d’une panoplie de civilisations policées constitue aujourd’hui l’unité ethnologique et la richesse de la tradition des Mahinous qu’on retrouve désormais un peu partout sur le territoire béninois; à Abomey, dans le zou, vers les côtes du fleuve Ouémé, dans les collines de Dassa et qui partagent bien de valeurs avec les Djibénous, les Agonlinous, les Gbanlinous, les Dovinous, les Ajanous, les Hogbonoutos et les Nagos.

Les traits d’identification cultuels d’un peuple introverti

La culture actuelle de la plupart des peuples africains est la résultante du brassage d’avec d’autres ethnies. La particularité de la culture Mahi réside dans le fait que ce brassage arc-boute leur authenticité mixte restée originale malgré les assauts de la civilisation européenne.

La langue Mahi est un cocktail de l’ère civilisationnelle aja-fon qui se mélange mal à la langue française. C’est pourquoi le Mahinou qui s’exprime dans sa langue donne l’impression d’un individu fier et égoïste. En dehors de la langue, la gastronomie participe aussi à la mono-identification de la tribu Mahi. En effet, la production du gari est un trait culturel faisant de ce peuple une ethnie dépendante de la culture des racines alimentaires. Le gari est une farine obtenue à base du manioc. Il doit sa notoriété aux mythes qui entourent sa consommation et surtout à l’espoir dont il émeut les populations les plus démunies.Si vous voulez du bon gari a.k.a Chlorure de Soutien, rendez-vous au pays Mahi.

Quant à la solidarité, l’une des chères valeurs africaines, elle ne se manifeste qu’entre eux-mêmes et s’élargit au cercle très restreint des rares personnes qui au fil du temps gagnent toute leur sympathie. Ce peuple échaudé est resté en effet méfiant envers les autres communautés à cause des leçons tirées de leur mal-cohabition d’avec le royaume d’Abomey qui préférait l’assujettissement à une cohabitation pacifique.

L’expressivité des chants

Selon un adage du sud Bénin, « on ne dit mieux ce qui fâche qu’à travers sa langue maternelle ». Pour un Mahinou, la langue n’est que le véhicule, le chant le carburant qui le met en mouvement. Dans la culture Mahi, le chant est le moyen de communication le plus prisé. Parmi les vedettes de la musique béninoise moderne comme traditionnelle, les Mahis sont légions et se font adulés grâce à leur talent singulier. Don Métok! originaire de Savalou, éclore son talent artistique dès 1993 en remportant un concours national de chant « vedette en herbe » avant de s’imposer dans le cœur des Béninois grâce à l’hymne « ALLEZ LES ECUREILS » dédié aux équipes sportives nationales. Petit Miguelito bouleversera toutes les tendances musicales avec son opus «Tchin tchin tchin» qui prône la méfiance et le savoir-vivre qui doit qualifier l’individu dans la société. Sacré Attinkpon ! il est l’auteur du single « I love you », le premier morceau en anglais chanté sous fond des percussions du rythme béninois Tchinkounmin. Son audace lui vaudra des millions de vue sur YouTube et une célébrité au-delà des frontières africaines.

En pays Mahi, n’est meilleur courtisant que celui dont la voix de rossignol permet d’attendrir le cœur de sa bien-aimée.

 L’exploration de la littérature orale et le rôle quasi-communicationnel que joue le chant éclaire plus sur l’aisance des artistes Mahis à produire à chaque single ou album des chefs d’œuvre. A chaque circonstance de vie, le chant s’offre comme le meilleur moyen d’expression pour réparer les déficits de la parole.

Ignace Don Metok (Position 2 à partir de la gauche) lors de la 18ème édition du Festival Mahi Houindo à Covè

Ainsi, pendant les moments de grandes afflictions surtout lorsqu’une femme perd son époux, son amour et attachement au défunt se jaugent et se savent par l’exécution du chant funéraire, appelé « Avihan » composé des morphèmes « avi » signifiant pleur, lamentation et de « Han » ; chant. Le Adanhan (adan : colère, mécontentement) est une chanson exécutée pour faire connaître les sentiments de colère ou même pour proférer des menaces. Et quand la jalousie éclate, seul le « Ouhouanhan » jettent dans les oreilles aiguisées des mélodies empreintes d’envie ou de dépit. En pays Mahi, le meilleur courtisant est un rossignol. Il doit pouvoir convaincre le cœur de sa bien-aimée en lui offrant régulièrement toute la gamme mélodieuse de son gosier.

Le Festival Mahi Houindo édition 2019

Le festival est une circonstance épatante au cours de laquelle les fils et filles de la vaste communauté Mahi dispersés sur toute l’étendue du Bénin pour des raisons historiques , et au delà des frontières se rencontrent afin de célébrer dans l’extrême convivialité la richesse de leur culture mixte, l’authenticité de leurs valeurs et l’étendard de leur historique résistance.

L’édition de cette année est régie par 7 activités majeures

Initié depuis 1998, la 19e édition du festival Mahi Houindo se déroule du 25 au 27 janvier 2019 à OUESSE WOGOUDO dans le département des Collines à 47km de TCHAOROU, ville natale de l’ex-président de la République, Yayi Boni.

Biographie

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